Centre d'Etudes et de Recherches

sur les Phénomènes Inexpliqués

LE CAS DE SECLIN

Un lieu réputé très hanté, une lourde malédiction, une sorcière hyper-puissante...
Contre le CERPI !
Un cas fameux et authentique

Début 2009. Une effervescence toute particulière règne au CERPI. Le téléphone sonne sans arrêt, de nombreuses personnes réclament son intervention pour des cas impliquant le surnaturel. C’est à croire que les forces de l’occulte se déchaînent, que le démon est omniprésent et s’acharne sur la population. Le fondateur décroche, pour la énième fois.
Mal lui en prend. En effet, une dame française, de la région de Seclin, dans le nord de la France, s’adresse à lui en s’exprimant à la vitesse d’un TGV, catastrophée, ne sachant plus à quel saint se vouer. À ses yeux, les choses sont claires : le CERPI est pour elle la solution de la dernière chance, les grands moyens que justifient un ensemble de troubles extraordinaires. Il faut agir, et vite ! Car sa famille est en proie aux attaques conjuguées d’une myriade d’entités, une légion de démons, des cohortes de personnes malfaisantes !
Il tente tant bien que mal de calmer son interlocutrice et d’obtenir un exposé clair de ce qui la préoccupe, mais le tableau qu’elle lui dresse défie l’imagination. S’il ne s’agit pas de la championne olympique de l’affabulation ou de la détentrice de la coupe attribuée aux plus fieffés menteurs, l’affaire est des plus sérieuses.

Là où l’on est habitué à entendre des doléances à propos de phénomènes plutôt isolés, la liste des calamités est interminable et se présente un peu comme l’encyclopédie du surnaturel ou le recueil des 100 meilleurs cas. Jugez plutôt…

Il y a bien des années de cela, alors que cette dame se trouvait en Afrique, un indigène dont elle avait repoussé poliment mais fermement les avances avait prononcé une sorte de malédiction en la pointant du doigt et en la fixant de son seul œil encore valide : « Si tu ne peux être mienne, tu n’appartiendras à personne ! Il t’arrivera malheur si tu cherches à contracter mariage. Quant à la chance, elle te fuira désormais comme on fuit la peste et le choléra. Ma malédiction te suivra en tout et pour tout et tu n’auras de repos que dans la mort, laquelle ne viendra qu’après une longue détérioration de ta santé et de grandes souffrances… »
Notre témoin, que nous nommerons Madame E. afin de préserver son anonymat, ne fut pas décontenancée pour autant et campa sur ses positions. Cela ne l’empêcha pas de terminer son voyage sans que rien de fâcheux ne survienne, mais elle n’oublia jamais la malédiction. Celle-ci ne tarda d’ailleurs pas à se rappeler à son bon souvenir. Elle connut effectivement, quelques temps plus tard, quelques petits ennuis de santé, mais rien de mystérieux ni d’incurable et elle n’établit pas de lien de cause à effet. Toutefois, bien que d’un tempérament de battante, toutes ses recherches en vue de décrocher un emploi s’avérèrent vaines. Elle ne tarda pas à s’apercevoir que ce qu’elle entreprenait était systématiquement voué à l’échec. Et puis, sa santé périclita, lentement, progressivement, mais inexorablement. Elle devint également claustrophobe et animée d’une peur panique à la seule idée d’un voyage, même très court.

Il y avait parfois certaines périodes de rémission et lors de l’une de celles-ci, elle fit la connaissance d’un charmant monsieur avec lequel elle se mit en ménage. Mais une poisse « autocollante » s’acharna à leur pourrir la vie, dans tous les domaines. Le couple, dont l’union n’avait toujours pas été officialisée, eut une fille que nous appellerons ici Océane. C’est sans doute à partir de ce moment que la malédiction se déchaîna. L’enfant grandit mais devint très vite incontrôlable. Leur fille acquit des facultés extrasensorielles et se révéla capable de communiquer par télépathie avec ses parents, mais elle craignait la lumière et adoptait un comportement de plus en plus asocial jusqu’à ce qu’il lui soit impossible de quitter le domicile, sauf à grand peine.

Entre temps, ses parents consultèrent une bohémienne qui leur révéla qu’Océane était dotée d’un très grand pouvoir. Des magnétiseurs confirmèrent ce point et précisèrent que leur fille n’était ni plus ni moins qu’une sorcière ! Ils laissèrent sous-entendre que, en plus d’une intervention extérieure, cela pouvait provenir de ce que le père et la mère de la jeune fille n’étaient pas mariés devant Dieu, qu’elle n’avait reçu aucun sacrement. Ils terminaient en précisant que le fait de combler cette lacune pouvait remédier au problème mais également précipiter les phénomènes et que, dès lors, les choses pourraient devenir épouvantables.

Apparemment, c’est hélas bien ce qui se produisit : le couple décida de se marier et la date de la célébration approchait d’ailleurs à grands pas au moment où Madame E. téléphona au CERPI. Sauf que, entre temps, ils vivaient dans une horreur sans nom.
Leur désormais sorcière de fille, ou une entité particulièrement malfaisante, ou encore la fameuse malédiction, à moins que le tout ne fasse qu’un, rendirent la vie complètement impossible aux occupants de la maison. Du jour au lendemain, les postes de télévision ou de radio se mirent à s’allumer et à s’éteindre tout seuls, les ordinateurs subissaient des pannes à répétition, des objets se déplaçaient en parfaite contradiction avec les lois de la pesanteur. On percevait des voix ou bien ressentait-on des attouchements furtifs alors que personne ne se trouvait dans la maison.

Les habitants tentèrent de se défendre comme ils le pouvaient et commencèrent de manière très logique en se renseignant sur leur maison, à la recherche d’explications rationnelles qui auraient trouvé leur solution par exemple dans la géobiologie. Mais ce qu’ils découvrirent ne fit qu’accroître leur désarroi, puis leur épouvante. Leur cave était beaucoup plus exigüe qu’elle n’aurait dû par rapport à la disposition des différentes parties de l’immeuble, il n’était pas possible d’obtenir les plans originaux auprès de la mairie, par contre un point était indubitable : leur maison avait été construite sur un ancien cimetière ! Océane se mit à multiplier cauchemars et rêves prémonitoires, et puis les entités apparurent !
Il y en avait partout, dans toutes les pièces, visibles de tous, à toute heure du jour ou de la nuit. Des poupées, d’ordinaire aussi dociles qu’il se doit, s’animèrent d’une vie intérieure ou se contentaient de suivre des yeux les habitants, avec un regard menaçant.

Face à de tels phénomènes, impuissante, stressée comme on l’imagine face à la perspective d’un mariage qui s’annonçait pour le moins chahuté, Madame E. était épuisée… Toutefois, elle fit encore appel à des désenvoûteurs afin de la libérer de cette emprise qui avait pris des proportions alarmantes. Mais à son grand désespoir aucun de ceux-ci n’accepta d’intervenir face à cette armée d’entités qui constituait une trop forte adversité. Ils n’avaient qu’un seul recours : quitter cette maison au plus vite, déménager vers d’autres horizons en espérant que « ces choses » ne les suivraient pas ! Mais bien sûr, un déménagement précipité n’était pas envisageable, ni financièrement ni sur le plan pratique. A moins de concours de circonstances particulièrement favorables, ce qui n’entrait pas vraiment dans le contexte, peu de gens peuvent changer de domicile du jour au lendemain. En tout état de cause, cela ne pourrait se faire avant le mariage et le pire était donc à craindre.

Les choses en étaient donc là lorsque madame E s’adressa au CERPI. Le dossier s’annonçait conséquent, l’affaire corsée. Avec son humour habituel, M. Vanbockestal commenta, après la communication, qu’il ne manquait rien à cette affaire, si l’on excepte bien entendu les squelettes qui sortent des placards et les lutins à cyclomoteur circulant sous une ombrelle et en jouant du bombardon ! Le cas justifiait une certaine urgence.

On n’avait pas omis de demander un jeu de photos de la maison et de ses occupants à transmettre par mail au centre d’études, afin que les médiums puissent voir ce qu’ils pouvaient retirer des « énergies résiduelles ».
De ce côté, le fondateur du CERPI qui, par principe, a toujours tendance à relativiser et à minimiser les faits par expérience, s’avoua étonné des résultats de ces investigations médiumniques, réputées pour être très efficaces en dépit de toute considération scientifique : les médiums confirmaient globalement les faits. Il y avait bien des influences négatives, au moins une entité (mais donc : peut-être plus…) Quant à Océane, ils la décrivaient comme un danger des plus redoutables, une véritable bombe à retardement, extrêmement puissante. Il était évident que l’investigateur qui se rendrait sur les lieux aurait tout intérêt à se montrer particulièrement puissant, à disposer de solides protections et à ne surtout pas sous-estimer « la bête », faute de quoi tout pourrait arriver, surtout le pire !
Madame E. envoya par la suite encore un mail au CERPI, en guise d’avertissement :
« Savez-vous vraiment à qui vous avez affaire ? Pensez-vous vraiment sortir vainqueur de ce combat ? Arriverez-vous seulement sain et sauf chez nous ? Océane est capable de tout, même à distance et, ces derniers jours, elle est devenue particulièrement agressive, ses propos sont malsains, empreints de haine et de médisance… »

La situation était donc assez paradoxale puisque d’un côté les requérants réclamaient l’intervention du CERPI à cor et à cri et de l’autre ils semblaient la redouter, moins pour eux que pour la personne qui se présenterait. Cela ne faisait toutefois que conférer plus d’incidence encore à la virulence des phénomènes, du moins sur le papier, en théorie, puisque rien n’avait encore été vérifié et que jusqu’à preuve du contraire il ne s’agissait encore que d’un témoignage. En même temps, l’affaire se présentait comme un défi.
Pour enfoncer le clou, la famille française de Seclin eut à déplorer coup sur coup deux décès derrière lesquels, à les entendre, se cachait bien mal l’intervention occulte de la jeune fille.

Comme on pouvait s’y attendre dans de telles conditions mais aussi face aux réticences des investigateurs, le leader du groupement décida d’intervenir lui-même, en solo. Il ne désirait certainement pas se réserver toute la gloire d’un succès qui était loin d’être couru d’avance mais bien assumer les risques éventuels que l’opération représentait. S’il devait être admis que la personne à rencontrer soit susceptible de donner la mort, il ne se donnait pas le droit d’envoyer quiconque au casse-pipe ! Toutefois, comme il ne pouvait pas se rendre immédiatement sur place en raison de sérieux impératifs personnels, il fixa une date qui lui permettrait aussi d’étudier soigneusement la manière de procéder.

Cependant, un autre élément survint encore : Océane lui adressa un mail auquel elle joignait une photo personnelle sur laquelle elle apparaissait en compagnie de son flirt (une photo peu représentative et en noir et blanc) en demandant à son interlocuteur ce qu’il pouvait en retirer par voie médiumnique, ce qu’il en pensait en général, mais aussi et surtout s’il croyait possible qu’elle ait subi un viol dans son enfance.
La question ne manquait pas de décontenancer, semblait d’ailleurs assez hors propos et ne faisait que compliquer la situation. Océane faisait aussi état d’une dualité entre elle et sa mère et de problèmes relationnels. Enfin, elle demandait à parler au téléphone à la personne qui se rendrait chez elle.

Aussi innocente que puisse paraître cette demande, elle représentait ici un risque majeur. En effet, certains milieux ésotériques prétendent que tout désenvoûteur sérieux, tout enquêteur professionnel et même tout exorciste devrait savoir que ce genre de contact est vivement déconseillé avant une intervention domiciliaire. Même en dehors des exorcismes proprement dits, toute personne susceptible d’avoir à réaliser un rituel quelconque en vue de débarrasser quelqu’un d’une influence néfaste devrait maintenir une neutralité totale. Cela va jusqu’à l’absence de poignée de main à l’entrée dans la maison. Un autre point fondamental résiderait dans le fait de ne dévoiler son nom sous aucun prétexte, c’est au contraire la personne concernée qui doit révéler le sien et, par extension, celui de l’entité qui la possède. Du moins est-ce donc ce que certains avancent.

La manœuvre aurait donc été pour le moins subtile et pernicieuse pour autant que l’on accrédite les points qui précèdent et, sans avoir l’air d’y toucher, l’adversaire – qui n’ignorait vraisemblablement pas ces points à en juger de sa réputation – se livrait somme toute à une stratégie plutôt fine puisque susceptible de tuer dans l’œuf toute velléité du CERPI. De toute évidence, on allait assister à un combat de titans ! Certains investigateurs du groupement allèrent jusqu’à taquiner leur chef de file en le comparant à Merlin l’Enchanteur qui allait affronter la terrible Madame Mime… une plaisanterie qui tomba à plat et fut mal accueillie car si l’on en croyait toute cette affaire, il y avait une famille en perdition, des phénomènes spectaculaires et… deux morts.

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